Contrôle des structures : du rififi dans les rangs de priorité
Publié le :
25/03/2024
25
mars
mars
03
2024
La loi du 13 octobre 2014, dite d’Avenir pour l’Agriculture, s’était efforcée de rationaliser les procédures de délivrance des autorisations administratives d’exploiter. Le législateur s’était notamment employé à énumérer précisément et limitativement, à travers l’article L. 331-3-1 du Code rural et de la pêche maritime, les cas dans lesquels le préfet de Région peut légalement refuser une autorisation. On avait retenu, à titre principal, qu’un refus pouvait intervenir lorsqu’un candidat concurrent relevait d’un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Mais un arrêt récent du Conseil d’Etat montre toute la subtilité de la rédaction du code rural : si la présence d’un candidat concurrent relevant d’un rang de priorité supérieur peut justifier l’opposition d’un refus, cette issue n’a rien d’inéluctable ni d’automatique (CE, 12 décembre 2023, 462416).
Sans surprise, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que l’autorité administrative, saisie de demandes d’autorisation concurrentes répondant à des ordres de priorité différents au regard des prescriptions du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), doit en principe faire application de l’ordre de priorité résultant de ce schéma. Mais le plus surprenant est ce qui suit : aux yeux de la Haute Assemblée, il est loisible au Préfet de région de délivrer deux autorisations concurrentes, y compris au profit du candidat dont le rang de priorité est inférieur, si l’intérêt général ou des circonstances particulières en rapport avec les objectifs du SDREA le justifient.
Pour inattendue qu’elle soit, la solution dégagée par les juges du Palais Royal n’entre pas en contradiction avec les dispositions du Code rural et de la pêche maritime. Car en effet, l’article L. 331-3-1 du Code rural et de la pêche maritime ne fait que codifier les cas dans lesquels il est possible de refuser une autorisation administrative d’exploiter. Les textes issus de la loi du 13 octobre 2014 n’indiquent nullement, en sens inverse, les cas dans lesquels l’autorité administrative est fondée à délivrer l’autorisation sollicitée. Et l’arrêt rendu le 12 décembre 2023 n’a rien d’incongru si on le resitue dans la jurisprudence classique des juridictions administratives. Il est à cet égard important de rappeler que, selon une règle constante, l’autorité administrative ne peut prendre une décision individuelle qu’après avoir procédé à un examen effectif et approfondi des données particulières à l’affaire (CE, 7 août 2020, Secrettant : Lebon, p. 853). En sens inverse, elle ne saurait rendre des décisions stéréotypées, dictées par l’application automatique de critères chiffrés.
En l’espèce, pour délivrer cette autorisation d’exploiter à un GAEC, en s’écartant des rangs de priorité résultant du SDREA, le Préfet de région avait notamment pris en considération ses engagements financiers, les demandes d’aides à l’installation présentées par ses associés, ainsi que l’installation effective depuis le 1er mars 2018 de deux jeunes agriculteurs sur l’exploitation, là où le projet concurrent ne permettait l’installation que d’une seule et unique personne. Des considérations objectives justifiaient incontestablement qu’une attention particulière soit portée à la demande d’autorisation d’exploiter de ce GAEC, même s’il relevait d’un rang de priorité inférieur au regard du SDREA.
À n’en pas douter, l’arrêt rendu le 12 décembre 2023 donnera une nouvelle dynamique au contentieux du contrôle des structures, et viendra nourrir l’argumentaire de nombreux candidats écartés.
François ROBBE, avocat associé
AXIENS AVOCATS
Maître de conférences à l’université Lyon 3
Président de l’Association Française de Droit Rural
Historique
-
Le renouvèlement des baux commerciaux, en cinq points
Publié le : 18/11/2024 18 novembre nov. 11 2024Publications du cabinet1 - Les baux commerciaux sont encadrés par des règles d’ordre public, c’est-à-dire qui s’imposent aux parties, frappant de nullité toutes clauses contraires mêmes voulues par le...
-
Peut-on acheter et revendre librement les vins de sa cave ?
Publié le : 04/11/2024 04 novembre nov. 11 2024Publications du cabinetLes ventes d’alcools et notamment de vins sont réglementairement très encadrées. Ainsi comment considérer un particulier qui collectionne des bouteilles de vins et en revend que...
-
La notion d’agriculteur actif: Nouveau casse tète juridique pour les sociétés agricoles
Publié le : 02/04/2024 02 avril avr. 04 2024Publications du cabinetLe règlement UE 2021 / 2115 du 2 décembre 2021 a défini de nouvelles règles régissant le plan stratégique devant être établi par les Etats membres dans le cadre de la politique...
-
Contrôle des structures : du rififi dans les rangs de priorité
Publié le : 25/03/2024 25 mars mars 03 2024Publications du cabinetLa loi du 13 octobre 2014, dite d’Avenir pour l’Agriculture, s’était efforcée de rationaliser les procédures de délivrance des autorisations administratives d’exploiter. Le légi...
-
Contrat d’agent Commercial : une faute peut engendrer deux conséquences
Publié le : 03/01/2024 03 janvier janv. 01 2024Publications du cabinetUne société met fin au contrat de son agent commercial qui a commis une faute grave. Elle sollicite également des dommages-intérêts à son encontre. L’agent commercial cont...
-
Recours contre le retrait d’une décision constatant la caducité d’une autorisation d’urbanisme : le formalisme de la notification est-il obligatoire ?
Publié le : 07/08/2023 07 août août 08 2023Publications du cabinetSelon l’article R. 600-1 du Code de l’Urbanisme, « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’...