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La SAFER fait la pluie et le beau temps

La SAFER fait la pluie et le beau temps

Publié le : 18/10/2021 18 octobre oct. 10 2021

Faire la pluie et le beau temps signifie décider de tout, se croire tout permis.

Par un arrêt de la 3ème Chambre civile du 23 septembre 2021 (n°20-14.754) la Cour de Cassation décide qu’une SAFER ne commet pas de détournement de pouvoir ni d’abus dans l’exercice de son droit de préemption après avoir préempté un bien avec demande de diminution de prix, et après retrait de la vente dudit bien par le propriétaire, en procédant quelque temps plus tard à son acquisition à un prix supérieur à celui convenu avec l’acquéreur initial.

Il était reproché à la Cour d'Appel d’avoir statué en ce sens alors que la SAFER aurait se faisant commis un détournement de pouvoir dans l’exercice de son droit de préemption.

La SAFER avait préempté sur une vente pour un bien prévu à 130.000 €, offrant de son côté 106.000 €, et après retrait de la vente par le propriétaire, se mettait finalement d’accord à l’amiable avec celui-ci à 145.000 €.

Ainsi le moyen du pourvoi lui reprochait, sous l’apparence de poursuivre un objectif légal, d’avoir faussé les négociations en proposant d’abord une somme anormalement basse et après avoir fait échouer la vente convenue avec le premier acquéreur, finalement l’acquérir à l’amiable à un prix supérieur.
 
Ainsi, l’acquéreur évincé pouvait-il se sentir joué, en ne pouvant acquérir par la manœuvre déloyale de la SAFER.

Mais, la Cour de cassation s’en tenant aux textes, retient qu’aucune disposition légale n’interdit au propriétaire vendeur postérieurement au retrait de son bien de la vente, et à la suite d’une contre-proposition de la SAFER, de conclure avec elle une vente amiable.

Que faut-il penser de cette décision ?

Elle peut apparaitre choquante, car la SAFER avec son pouvoir exorbitant de droit commun, appelé droit de préemption, dispose du pouvoir de gèler la vente.

Elle aurait pu se contenter de préempter au prix et aux conditions.

Or, elle ne le fait pas et propose un prix inférieur.

Le propriétaire pour qui le risque est important de ne pas vendre son bien au véritable prix, le retire logiquement de la vente.

La SAFER fait alors une proposition très largement supérieure au prix initialement convenu.

Elle ne s’y serait pas prise autrement si elle avait voulu être certaine d’acquérir le bien.

Elle interfère ainsi dans le jeu de l’offre et de la demande à son bénéfice.

Mais, il semble que la juridiction suprême n’y voit pas de détournement de pouvoir, dès lors que les juges du fond ont constaté que postérieurement à la notification de la décision de préemption de la SAFER, il lui avait été communiqué des valeurs retenues par un expert agricole ainsi que de nouveaux éléments qui conduisaient à une revalorisation du bien.

On peut donc penser que sans ces éléments le détournement de pouvoir aurait pu être constitué, encore que rien ne permette de l’affirmer.

Il n’en reste pas moins que cette jurisprudence peut donner des idées à la SAFER et aboutir ainsi, sinon à fausser, du moins à décourager les acquéreurs les mieux décidés.

Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône 

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