Produits phytosanitaires et protection des populations
Auteur : François ROBBE
Publié le :
08/10/2019
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La police des produits phytopharmaceutiques est une police spéciale, que les articles L 253-1 du code rural et de la pêche maritime réservent aux autorités ministérielles. Le juge des référés du tribunal administratif de Rennes l’a rappelé et a suspendu pour incompétence, fin août, l’arrêté du maire de Langoët règlementant sur sa commune l’usage de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones habitées (TA Rennes, ord., 27 août 2019, n° 1904033). La solution dégagée dans cette ordonnance ne manque ni de cohérence ni de logique, car les précautions à prendre en matière de produits phytosanitaires doivent être les mêmes sur tout le territoire et ne sauraient dépendre, ni de la sensibilité, ni des sympathies d’un élu local.
Vainement, la commune de Langoët avait invoqué devant le juge des référés l’inconstitutionnalité des dispositions du code rural, pour méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales inscrit à l’article 72-1 de la Constitution. Le juge a écarté cette question prioritaire de constitutionnalité, en rappelant que le pouvoir réglementaire dévolu aux collectivités locales ne pouvait empêcher le législateur d’instituer une police spéciale et de la confier aux autorités administratives de l’Etat, pour traiter de questions d’intérêt national. L’autonomie locale n’est pas inconditionnée et l’article 72-1 lui-même rappelle qu’elle s’exerce « dans les conditions déterminées par la loi ». Et puisque le sujet ne relève pas de l’administration locale, rien n’interdit que l’autorité étatique compétente soit finalement désignée par voie réglementaire.
Le maire de Langoët avait peut-être cru pouvoir occuper un apparent vide juridique, né de l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 juin 2019 annulant partiellement l’arrêté ministériel relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Dans son ordonnance du 27 août, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes n’a pas manqué de rappeler cette importante décision et d’en expliquer la portée.
Les associations dites « Générations futures » et « Eau et Rivières de Bretagne » avaient demandé au Conseil d’Etat d’annuler en tout ou partie l’arrêté ministériel du 4 mai 2017, pour méconnaissance des dispositions communautaires encadrant l’usage des pesticides. L'article 12 de la directive du 21 octobre 2009 prévoit notamment que les États membres doivent veiller à ce que l'utilisation des pesticides soit restreinte ou interdite dans les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables, tels que ces groupes sont définis par l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009. Selon ce dernier texte, figurent parmi les groupes vulnérables « les travailleurs et habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme ». Le Conseil d’Etat a jugé, entre autres, que les riverains des zones traitées par les exploitants agricoles relevaient de la catégorie des « habitants fortement exposés sur le long terme ». En ne prévoyant aucune disposition pour interdire ou réglementer les traitements de nature à impacter ces riverains, l’article 2 de l’arrêté du 4 mai 2017 était, aux yeux de la Haute juridiction, incompatible avec les exigences communautaires. Il était également illégal, selon l’arrêt, pour ne prévoir aucune restriction d’usage en période de forte pluviosité.
Conscient des enjeux, le Conseil d’Etat a fait usage des pouvoirs d’injonction qu’il détient en vertu des articles L911-1 et suivants du code de justice administrative : il a ordonné aux ministres concernés d’édicter, dans un délai maximal de six mois à compter de la notification de l’arrêt, de nouvelles dispositions compatibles avec les textes communautaires, en remplacement de l’article 2 annulé. La compétence en la matière demeure donc ministérielle et non municipale. Le juge des référés du tribunal administratif de Rennes ne pouvait décider autrement, sauf à méconnaître l’injonction faite aux autorités ministérielles par le Conseil d’Etat.
François ROBBE
Avocat associé
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