CONTROLE DE L’ACCES AU FONCIER AGRICOLE PAR DES STRUCTURES SOCIETAIRES
Publié le :
12/04/2023
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2023
A travers une loi du 23 décembre 2021, le législateur a mis en place un nouvel outil juridique afin d’assurer la régulation de l’accès au foncier au travers de structures sociétaires.
Ce texte a soumis à autorisation administrative des Préfets de Département toute prise de contrôle d’une société possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, par une personne physique ou morale détenant, avant ou après l’opération, des biens de même nature dont la surface dépasse un seuil d’agrandissement dit « significatif » arrêté par le Préfet de région.
Ce nouveau mode de contrôle porte donc non seulement sur les sociétés exploitant des biens agricoles, mais également sur des sociétés foncières (GFA, SCI, autres…), dont les biens sont donnés à bail à des agriculteurs, ou présentent une vocation agricole bien qu’ils ne fassent pas l’objet d’une exploitation à l’instant de l’opération.
Le régime d’autorisation mis en place par la loi du 23 décembre 2021 ne s’applique qu’en présence d’une prise de contrôle au sens des articles L 233-3 et L 233-4 du Code de Commerce. Pour aller à l’essentiel, la prise de contrôle est présumée réalisée dès lors qu’une personne physique ou morale détient directement ou indirectement, au sein d’une société, une fraction de droit de vote supérieur à 40 %. Mais la prise de contrôle est une notion complexe en droit des affaires. Elle peut résulter de diverses situations factuelles ou d’accord entre associés, alors même qu’aucun d’eux ne franchirait la barre des 40 % des droits de vote.
La mise en œuvre du régime d’autorisation dépend également du franchissement d’un seuil de surface dit « significatif ». Il appartient aux préfets de région de fixer, à l’échelle de chaque région, le seuil d’agrandissement significatif au-delà duquel ce nouveau régime d’autorisation deviendra applicable. Le Préfet de région peut cependant adapter ce seuil en fonction des spécificités des sous-régions agricoles présentes sur son territoire. Ainsi, en région Auvergne Rhône-Alpes, l’arrêté préfectoral du 15 février 2023 a fixé le seuil de surface significatif a été fixé à 220 hectares en région naturelle 1, à 94 has en région naturelle 2 et à 108 has en région naturelle 3.
Ces seuils de surface significatifs ayant été arrêtés dans la plupart des régions, il appartient désormais aux préfets de département de délivrer ou non les autorisations de cession de parts sociales qui leur seront demandées. L’instruction des demandes sera cependant assurée, en amont, par les SAFER, qui se voient ainsi conférer un rôle important d’accompagnement des autorités préfectorales.
Les demandes d’autorisation de cession de parts sociales seront donc adressées à la SAFER, qui en accusera réception dans un délai de dix jours suivant la réception du dossier s’il est complet. L’émission de cet accusé de réception déclenchera un délai de deux mois durant lequel la SAFER instruira la demande, avant de transmettre son avis à l’autorité préfectorale. Faute pour la SAFER de respecter ce délai, son avis sera réputé favorable.
L’émission de l’accusé de réception délivré par la SAFER déclenchera également un délai de quatre mois dans lequel le Préfet devra prendre une décision. Le silence conservé par l’autorité Préfectorale à l’issue de ce délai de quatre mois ferait naître, au profit du demandeur, une autorisation tacite. Dans le meilleur des cas, le Préfet délivrera, avant l’issue de ce délai de quatre mois, une autorisation expresse. Avant de rendre sa décision, l’autorité préfectorale devra mettre en balance, sur la base de l’avis de la SAFER, la contribution de l’opération au développement du territoire à la diversité des systèmes de production, d’une part, et les atteintes éventuelles du projet aux objectifs définis par l’article L 233-1 du Code Rural et de la Pêche Maritime, d’autre part. Ces objectifs sont l’installation d’agriculteurs, la consolidation d’exploitations, le renouvellement des générations agricoles, la lutte contre la concentration excessive des terres et leur accaparement, la souveraineté alimentaire, la facilitation de l’accès au foncier et le contrôle des prix du marché foncier local.
Si le Préfet estime que les inconvénients de l’opération l’emportent sur ces avantages, il devra en informer le demandeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Mais cette prise de position de l’Administration ne constituera pas un rejet définitif de la demande : il appartiendra au demandeur de faire suivre au Préfet, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision qu’il aura reçue, une ou plusieurs proposition(s) de nature à corriger sa demande. A titre principal, il sera attendu du demandeur qu’il propose de libérer des terres, soit sous la forme de cession en propriété, soit en résiliant des baux dont il est bénéficiaire, soit encore en proposant des terres dont il est propriétaire à la location au profit d’autres exploitants agricoles. Destinataire de ces propositions, le Préfet pourra, s’il le souhaite, solliciter des engagements complémentaires, qui devront lui être adressés dans un délai de 15 jours.
L’objectif affiché de la loi SEMPASTOUS est d’éviter, autant que faire se peut, d’opposer aux demandeur des décisions de refus d’autorisation. L’équilibre du système repose le pari que les demandeurs sauront présenter à la SAFER et à l’autorité préfectorale des engagements suffisants pour permettre la délivrance d’une autorisation, qui revêtira alors un caractère conditionnel. Le maintien de l’autorisation ne sera en effet envisageable que si le cessionnaire respecte les engagements pris, lesquels seront rappelés dans la décision du Préfet sous la forme d’un cahier des charges à respecter.
La loi du 23 décembre 2021 a également prévu un dispositif assez sévère de sanctions en cas de non-respect du nouveau dispositif. Il est notamment prévu que toute cession intervenue en méconnaissance du régime d’autorisation instauré sera entachée de nullité. Il appartiendra au Préfet d’engager une action en nullité de la cession de part sociale devant le Tribunal Judiciaire, d’office ou à la demande de la SAFER. Toutefois, le droit d’agir du Préfet sera enfermé dans un délai de douze mois à compter de la date à laquelle il aura eu connaissance de l’opération irrégulière. Cette action en nullité pourra éventuellement être complétée d’une amende administrative, dont le montant sera égal au moins au montant fixé pour les contraventions de la 5ème classe et pourra atteindre 2% du montant de la transaction concernée.
Un régime de sanction pourra également être mis en œuvre, si l’autorité administrative constate que les engagements pris par le pétitionnaire pour obtenir l’autorisation convoitée n’ont pas été respectés. En ce cas, la décision d’autorisation conditionnelle pourra être retirée. Le retrait de l’autorisation sera en principe suivi d’une saisine du juge judiciaire par le Préfet, aux fins d’annulation du contrat de cession qui ne pourra plus se prévaloir d’une autorisation administrative. Les contrevenants pourront également se voir infliger, à titre complémentaire, une sanction pécuniaire dont le montant pourra varier entre 304,90 € à l’hectare et 914,70 € à l’hectare.
La complexité des mécanismes mis en place par la loi SEMPASTOUS peut laisser craindre une multiplication des contentieux administratifs et judiciaires lors de sa mise en oeuvre. Mais il est difficile d’établir des pronostics précis tans ce régime d’autorisation conditionnelle, directement inspiré du droit de la concurrence, est nouveau dans la sphère agricole. En tout état de cause, les autorités nationales ont décidé à travers ce texte d’appréhender le foncier agricole comme un marché, dont les enjeux nationaux voire internationaux nécessitent une régulation. L’avenir nous dira si l’outil mis en place est efficace et à la hauteur des enjeux.
François ROBBE
Avocat associé
Avocat associé
Historique
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