POLICE DES CHEMINS RURAUX : Pas de compétence liée pour le Maire
Publié le :
06/04/2021
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Le régime juridique des chemins ruraux est complexe et contrasté.
Bien qu’ils soient la propriété des Communes, ces chemins intègrent leur domaine privé et tout contentieux portant sur la propriété ou la possession d’une telle voie relève des tribunaux de l’ordre judiciaire. Leur gestion est aussi l’objet de règles et solutions jurisprudentielles subtiles. Ainsi, selon une jurisprudence constante, les communes ne sont pas tenues de procéder à l’entretien des chemins ruraux (CE, 26 septembre 2012, N°347068). Mais il est admis qu’un défaut d’entretien normal du chemin pourra engager en cas d’accident la responsabilité de la collectivité, si celle-ci avait exécuté, postérieurement à l’incorporation du chemin dans la voierie rurale, des travaux destinés à en assurer la viabilité.
La complexité du régime juridique des chemins ruraux transparait également à travers le régime de police qui leur est applicable. L’article L 161-5 du Code Rural et de la Pêche Maritime attribue au Maire la police de la conservation de ces voies particulières. C’est ainsi que l’autorité municipale peut, par exemple, interdire l’usage de tout ou partie du réseau des chemins ruraux à certaines catégories de véhicules ou de matériels, si ceux-ci sont incompatibles de par leurs caractéristiques avec la bonne conservation de l’ouvrage (Article D 161-10 du Code Rural et de la Pêche Maritime). Mais le Maire est-il tenu de prendre en permanence toutes les mesures de nature à garantir la liberté d’accès à ces voies ? C’est ce que pourrait laisser penser, à première lecture, l’article D 161-11 du code rural et de la pêche maritime.
Selon ce texte, « lorsqu’un obstacle s’oppose à la circulation sur un chemin rural, le Maire y remédie d’urgence ». Rédigé au présent de l’indicatif, cet article pourrait être interprété dans un sens impératif : le Maire serait ainsi en situation de compétence liée pour faire enlever tout obstacle à la circulation sur un chemin rural, quelles que soient les circonstances. Mais ce n’est pas la position que prend la juridiction administrative.
Le Conseil d’Etat l’a rappelé dernièrement dans un arrêt rendu le 24 février 2020. Dans cette affaire, une société civile immobilière contestait devant le juge administratif la mise en demeure adressée à son gérant par le Maire, en vue de l’enlèvement d’obstacles à la libre circulation sur un chemin rural.
La société requérante faisait notamment valoir que préalablement à l’édiction de cette mise en demeure, le Maire n’avait pas respecté la procédure administrative contradictoire alors prévue par les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, aujourd’hui codifiées dans les articles L 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration : l’élu n’avait pas invité le gérant de la SCI à présenter ses observations écrites et/ou orales avant de prendre sa décision.
La Cour Administrative d’Appel avait jugé que les dispositions de la loi du 12 avril 2000 étaient inapplicables dès lors que le Maire se trouvait, en l’espèce, en situation de compétence liée. Pour les juges d’appel, le Maire n’avait pas à provoquer ni à prendre en considération les observations du contrevenant, puisqu’il se devait en toute hypothèse de prendre les mesures nécessaires au rétablissement de l’assiette de la voie quel que soit l’avis et les explications de l’intéressé.
Le Conseil d’Etat a réfuté cette analyse : il considère que, sauf circonstances exceptionnelles relevant d’une extrême urgence, le Maire doit porter une appréciation sur les faits de l’espèce, et notamment sur la gêne occasionnée et ses conséquences. Dès lors, le Maire doit prendre en compte les observations éventuelles de l’intéressé. Il ne peut s’affranchir de la procédure administrative contradictoire préalable qu’en démontrant l’existence d’une situation d’urgence impliquant nécessairement et obligatoirement une décision immédiate.
La Haute juridiction administrative a refusé de faire ici application de sa jurisprudence MONTAIGNAC (CE, 3 janvier 1999, N°149722), dont il résulte que les moyens de légalité externe sont inopérants à l’égard de toute décision prise par l’administration dont l’exercice d’une compétence liée. Ainsi, quel que soit l’intérêt qui s’attache à la libre circulation sur les chemins ruraux, le Maire ne saurait disposer en la matière de pouvoirs qui l’exemptent de l’obligation de dialoguer avec les administrés et de prendre, sauf urgence avérée, des mesures adaptées et proportionnées à la situation.
François ROBBE
Avocat associé
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