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Contributions indirectes et vins- Tentative et présomption de fraude : application en matière de tromperie

Contributions indirectes et vins- Tentative et présomption de fraude : application en matière de tromperie

Publié le : 26/10/2022 26 octobre oct. 10 2022

Dans un arrêt du  4 oct. 2022, n° 21-84.517, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence, retenant que la seule détention dans ses locaux professionnels, de vins en excédents, établit en la présumant la volonté de l’opérateur de commercialiser ces vins sous des noms d’appellations auxquelles ils n’ont pas droit.

Les faits étaient des plus classiques.
Un contrôle par la DGDDI dans les locaux d’un négociant révèle la détention de vins à appellation d’origine en quantités excédentaires.

Pour les contrôleurs, la seule détention dans les entrepôts de vins surnuméraires permet d’imputer à l’opérateur la volonté de vendre de tels vins irrégulièrement détenus.

Poursuivi, pour tromperie sur la nature, la qualité substantielle, l’origine ou la quantité d’une marchandise, omission ou inexactitude dans sa comptabilité matières usurpation d’une appellation d’origine, falsification de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole, l’entrepositaire agréé, a sollicité sa relaxe au motif que le stock litigieux était en réalité réservé à sa consommation personnelle.

Sachant cette première explication incertaine, il reprochait également aux contrôleurs de ne pas rapporter la preuve de son intention de vendre les vins.

Peine perdue, il est reconnu coupable en première instance et en appel, et la Cour de cassation rejette son pourvoi.

La Cour suprême relève que « la détention, dans les locaux professionnels d’un négociant dont l’activité est d’acheter et vendre, d’excédents de vins (..) détermine un début de processus de fabrication et de commercialisation, présume leur offre à la vente et caractérise l’intention de vendre ces vins sous lesdites appellations ».

Pouvait-il en être autrement ?

En effet, la condamnation est prononcée sans nul besoin de démontrer ne serait-ce que la tentative délictueuse ; la présomption, c’est-à-dire l’intention que l’on prête à un tiers étant ici suffisante.  

Il est important de rappeler ce que constitue une tentative en droit pénal et la manière dont elle est appréhendée, avant de s’intéresser à la présomption et à la façon dont elle constitue le délit.

I - La tentative

Selon l’article 121-5 du Code pénal la tentative de délit est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.

A - Critères

La tentative, ou plus explicitement dit, le commencement d'exécution de l'infraction, nécessite l’existence d’un fait positif ou d’un acte matériel.

A défaut, il ne s’agirait que d’une intention, voire si la détermination de l’auteur est plus avancée, d’une résolution délictuelle.

Ainsi, avoir l’idée et même l’intention de commettre un délit, sans jamais passer à l’acte n’expose pas la personne concernée à des poursuites pénales.

De même, distingue-t-on le commencement d'exécution des actes préparatoires, ces derniers trop équivoques, ne tombant pas sous le coup de l’infraction délictuelle.

Se procurer une arme blanche, voire une arme à feu, ne suffit pas pour caractériser une tentative de coup et blessures ou d'assassinat.

Le commencement d’exécution se rencontre dans un ou des actes, tendant directement au délit, et accomplis dans l'intention de le commettre, comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation.

Son existence se discute encore moins, lorsque l’acte préparatoire a pour conséquence directe et immédiate de consommer le délit ou le crime, celui-ci étant alors entré dans la période d'exécution, comme le serait la pose d’explosif avec un système de mise à feu destiné à blesser ou à tuer.

B- Qualification

Pour appréhender l’acte préparatoire et dire s’il est punissable, les Cours et Tribunaux, examinent les critères évoqués ci-dessous à la lumière du comportement de l’agent.

Sa détermination est essentielle en ce qu’elle exprime de manière certaine sa volonté.

En ce sens un désistement volontaire viendrait interrompre toute possibilité d’incriminer son auteur.

Un crédit total est accordé à l’individu qui se ravise à temps, de lui-même. La tentative n’est alors pas punissable.

Tel n’est pas le cas du désistement provoqué par une cause étrangère ou extérieure à l’auteur qui l’empêche malgré lui de commettre son forfait.

La tentative est alors punissable. La jurisprudence donne les exemples du tireur qui rate sa cible, ou de la tentative de meurtre sur une personne déjà décédée, circonstance ignorée de l’auteur lorsqu’il passe à l’acte.

En l’espèce, le négociant ne pouvait se voir reprocher de tenter de commettre un délit au visa des actes préparatoires ; mise en bouteilles, étiquetages, conditionnements, faisant défaut.

Le seul élément défavorable était la présence des vins en vrac, présents irrégulièrement, dans le chai. Toutefois même unique ce fait s’avère en la matière fondamental.

Le commencement d’exécution faisant défaut, le négociant contestait toute tentative de tromperie faute pour l’administration ici partie poursuivante de rapporter la preuve de la réalisation d’un acte manifestant la volonté de commercialiser l’excédent.

C’était sans compter sur le recours à la théorie de la présomption.

2 - La présomption

1 - Raisonnement de la Cour de cassation

Sans discussion, la détention de bouteilles de vins par un négociant, professionnel dont le métier consiste en l’achat et la vente de vins, fait présumer leur offre à la vente et par conséquent la tromperie, quand bien même, aucune cession ne se serait pas (encore ?) produite.

Ce raisonnement pourrait paraitre infondée et injuste, ou même être considéré comme portant atteinte aux libertés fondamentales, mais ce serait faire peu de cas des règles spécifiques qui s’imposent aux professionnels du vin.
Lors du contrôle, le négociant n’a pu présenter d’explications sur l’entrée dans son chai, autrement dit dans ces stocks au sens douanier, de vins d’appellation sans titre de mouvement.

Ces vins n’étaient pas d’avantage retracés au sein de la comptabilité matière, plus prosaïquement dit, ils étaient orphelins de toutes références, ce qui est absolument proscrit en cette circonstance.
Le prévenu voulait ici entrainer les juges sur un autre terrain.

Il leur proposait d’adopter son raisonnement qui devait les conduire à se demander si, pour asseoir la culpabilité, il ne fallait pas d’abord s’interroger sur le sort qu’auraient connus les vins litigieux en l’absence de contrôle de l’administration.

La défense sur ce fondement est vaine.

Force est en effet de constater que rien ne permet non plus de retenir qu’ils n’auraient pas été commercialisés illégalement.

2 - Justification

Le postulat sous-jacent est que le négociant professionnel du secteur est réputé parfaitement connaitre la législation et la réglementation qui s’appliquent à son activité.

Dès lors qu’il ne la respecte pas intégralement, son comportement est suspect.

Ce fait objectif fonde ou justifie en droit la présomption d’infraction pesant sur le contrôlé.

Cependant, toute présomption peut être combattue, et même vaincue si la personne poursuivie apporte la preuve contraire.

Cette démonstration n’est jamais aisée.

Cependant, les juridictions pourraient l’admettre en présence éléments concrets et objectifs administrés par le prévenu.

Disposer de la preuve contraire pour ruiner la présomption est la seule échappatoire, car à défaut le commencement d’exécution constitutif de la tentative du délit de tromperie est caractérisé.

Ce faisant, il pourra être rétorqué qu’un autre principe du droit pénal est malmené, à savoir celui qui impose à la partie poursuivante de faire la preuve de la culpabilité de la personne poursuivie et non à celle-ci de démontrer qu’elle est innocente.

Mais, il en va ici comme souvent de l’appréciation souveraine des juges du fonds, qui ne peuvent répondre autrement à la question : mais que diable ce vin non recensé allait-il faire dans ce chai ?

Michel DESILETS
Avocat au barreau de Villefranche

 

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